La bibliothèque Humaniste de Sélestat est le témoin d’une formidable époque de foisonnement intellectuel. Inévitablement, œuvrer à sa rénovation conduit à s’interroger sur ce mouvement de pensée. Rudy Ricciotti porte non seulement un regard d’homme sur l’humanisme mais aussi un regard d’architecte. Pour l’homme, les humanistes de la première moitié du XVIe siècle partagent avec nous un socle commun de pensée : hors de tout optimisme naïf, le savoir et l’art indicible du bien vivre ensemble sont capables de tirer la société vers un avenir à la fois juste et meilleur, par principe dépourvu d’égoïsme. Pour l’architecte, la foi en l’Homme n’est pas un idéal mais un prérequis mental sans lequel sa pratique serait vaine, donc inutile. Toute vision de l’architecture est une vision de l’homme. L’architecture est en soi un humanisme.
L’architecte n’a pas cherché à corriger l’existant ni à l’étendre dans une écriture de même nature. L’extension se distingue par une certaine indépendance, structurelle autant qu’esthétique.
Conserver et exposer, la collection autant que l’architecture
La Bibliothèque Humaniste de Sélestat possède une collection unique de livres, manuscrits et incunables, accumulés par Beatus Rhenanus et légués par l’humaniste à la ville qui le vit naître. Elle n’a pourtant de bibliothèque que le nom, n’assumant pas de véritable mission de lecture publique. Ses fonctions sont plus proches de celles du musée : elle conserve et expose, de façon permanente et temporaire, dans des espaces spécialement conçus à cet effet, les pièces les plus remarquables et représentatives de son fonds.
Comme un écho à ce flou programmatique, le bâtiment qui accueille la bibliothèque se présente lui aussi sous une hybridité formelle déroutante. Depuis 1889, elle est installée au cœur de la ville historique dans l’ancienne halle au blé construite par l’architecte Klotz quelques décennies plus tôt. Le bâtiment, assez épais sur ses latéraux arbore, dans un contraste remarquable, un fronton au décor précieux. La façade peinte et sculptée pourvoit d’une certaine féminité la halle au demeurant rustique. Dans sa configuration, le bâtiment arbore les traits d’une église, en une version néo-romane. Cette hésitation fondamentale le rend atypique et brouille un temps sa perception. Ni bibliothèque ni musée, à la fois halle au blé et église, la bibliothèque Humaniste ne se laisse pas appréhender de façon évidente. Pourtant sa singularité architecturale participe de l’identification de la bibliothèque. Aussi, malgré la nécessité d’une intervention, aucun signe n’en a été altéré ou effacé.
Une extension en contexte
La collection manquait, dans ce cadre initial, de lisibilité et de clarté ainsi que d’espace. La restructuration prévoyait donc des espaces additionnels en sous-sol mais aussi en surface de façon à développer les espaces publics tout en pourvoyant la bibliothèque Humaniste de réserves à la hauteur des trésors conservés. En réponse à ce besoin d’espace, un niveau a été creusé. Les deux sous-sols existant aux extrémités du bâtiment ont été réunis, achevant le projet initial de Klotz. Ce nouveau sous-sol, qui se prolonge partiellement sous le parvis, accueille la majeure partie des réserves dans des conditions climatiques et de desserte depuis la rue optimales.
Maîtrise d’ouvrage : Ville de Sélestat
Maîtrise d’œuvre : Rudy Ricciotti
Entreprise mandataire : Demathieu Bard
Bureaux d’étude : Lamoureux & Ricciotti
Programme : Restructuration et extension de la Bibliothèque Humaniste (fondée en 1452 et inscrite au registre de la Mémoire du Monde de l’Unesco en 2011).
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